« L’Empire de la contrainte »

Le XXe siècle fut le siècle du travail forcé. Des millions d´Asiatiques, Européens et Africains ont subi le travail forcé durant le communisme, le fascisme et le colonialisme.

En ce qui concerne le colonialisme, à la lumière des archives consultées, force est de constater que le travail obligatoire accompagnait l’expansion européenne sous plusieurs formes tout au long de la première moitié du XXe siècle. La fin de l´esclavage au XIXe siècle a fait naître de nouvelles formes de servitude dans le monde colonial. L´esclave de l´ancien temps cédait sa place au travailleur forcé « moderne ».

Auparavant partie intégrale de l´esclavage, le travail forcé est devenu la nouvelle contrainte des sociétés colonisées. Dans les empires coloniaux en Afrique et en Asie du XXe siècle, le travail forcé était omniprésent et coexistait avec le « Goulag » en Union Soviétique et le « Reichseinsatz » en Europe nazie.

Si le second espace colonial français (1830-1962) a connu trois formes d´emploi – le travail libre, l´engagisme et le travail obligatoire -, la coercition prédomine dans les colonies et les mandats les autres modes de recrutement, soit sous sa forme fiscale, soit militaire ou simplement administrative.

Marc Michel remarquait en 2009 que « le travail forcé court comme un fil rouge dans la littérature et les études sur la colonisation, mais, curieusement, il a fait l´objet de peu d’études spécifiques ». Pourtant, le travail forcé fut omniprésent dans l’Empire colonial français : dès son introduction par le régime de l´indigénat vers 1887 jusqu´à son abolition en 1946, le travail forcé fut un élément clef du colonialisme français au XXe siècle.

Cette étude basée sur de nombreuses archives se focalise sur ce que le Traité de droit colonial de 1931 appelait les « quatre empires » qui se constituent à fin du XIXe siècle : Afrique occidentale française (AOF), Afrique équatoriale française (AEF), Madagascar et Indochine.

La première partie documente les différentes formes du travail obligatoire dans ces « quatre empires »: les « prestations » en AOF, les « réquisitions » en AEF, les « recrutements » à Madagascar et les « engagements » en Indochine, jusqu’à son abolition par la Société des Nations en 1930.

La seconde partie de l´étude retrace l’évolution du travail forcé durant quatre régimes successifs après son abolition par la Société des Nations: la légalisation par la IIIe République en 1930, en passant par les réformes du Front populaire et le durcissement sous le régime de Vichy, jusqu’à son abolition par la France Libre en 1946.