
Le « Mur de l’Atlantique » en Aquitaine
Maîtres d’ouvrage et travailleurs forcés au service d’Hitler
Introduction
1 La France dans l´"Europe d´Hitler"
2 La France occupée 1940-1944
3 La collaboration de l´économie française
4 La "forteresse Europe"
5 L´"Organisation Todt" (OT)
6 Aquitaine sous l´occupation allemande
7 Bordeaux, ville stratégique du IIIe Reich
8 La base sous-marine de Bordeaux
9 Les "Espagnols rouges" de l´OT
10 La forteresse "Gironde-sud"
Bilan
Biblio

Introduction
En juin 1944, la façade atlantique en France fut le lieu du plus grand débarquement dans l’histoire militaire introduisant la fin de la Seconde Guerre mondiale sur le continent européen. La littérature concernant le débarquement est considérable, et le succès du film Le soldat Ryan du metteur en scène américain Steven Spielberg l´a également rendu accessible au grand public.
Par contre, les efforts allemands pour empêcher l’invasion demeurent beaucoup moins connus. Or, l’ordre d’Hitler de bâtir une chaîne de bunkers sur la façade atlantique en Europe aboutissait à la construction de la plus grande ligne de fortifications dans l’histoire militaire, le « mur de l’Atlantique ». C’est en France, le pays ayant la plus longue côte atlantique en « Europe d’Hitler », que le mur a pris toute son ampleur, et la côte normande fut finalement le lieu du débarquement.
L´étude a cette construction militaire comme sujet, dont les vestiges se trouvent jusqu’à présent sur toutes les côtes européennes, demeurant des témoins muets du IIIe Reich. Ce choix a plusieurs raisons tant personnelles que scientifiques : une raison personnelle est la rencontre avec un ancien travailleur forcé qui constate avec amertume que la tragédie humaine du travail forcé pendant la construction du mur fut oubliée par la mémoire collective.
Quant à la recherche historiographique concernant le travail forcé en Europe d’Hitler, elle présente une inégalité entre l’Allemagne et les pays occupés : pour le IIIe Reich, depuis l’étude fondamentale sur le travail forcé d’Ulrich Herbert, de nombreuses études régionales et locales ont approfondi notre connaissance de ce sujet, complétées depuis par des travaux sur les grandes entreprises comme VOLKSWAGEN et DAIMLER-BENZ.
Par contre, sur le travail forcé dans les pays occupés, nos connaissances respectives demeurent très faibles. Dans l’historiographie française, la préoccupation par ce sujet a démarré par des études quantitatives et régionales, surtout par rapport à la captivité, les déportations et la résistance. Ensuite, les travaux fondamentaux dans les années soixante-dix par des auteurs étrangers (R. O. Paxton, E. Jäckel, A. S. Milward) sur le régime de Vichy ont contribué à une recherche plus approfondie sur les « années noires », sans pour autant aboutir à une étude complète du travail forcé en France jusqu’à nos jours. Côté allemand, depuis peu, des travaux récents se préoccupent du travail forcé des Français dans le Reich, une thèse allemande examine également la politique de la main d’œuvre du régime de Vichy.
Quant à la littérature sur le mur de l’Atlantique, elle se préoccupe surtout de ses aspects techniques, architecturaux et militaires pendant que les aspects économiques et sociaux demeurent négligés. Or, malgré la prépondérance du militaire, le mur de l’Atlantique réunit des aspects économiques et sociaux qui méritent toute notre attention : la collaboration économique des pays occupés et l’exploitation des milliers de travailleurs forcés. Autrement dit : Jusqu’à présent, une étude explicite des liens entre cette construction militaire, la collaboration de l’économie et le travail forcé n’a pas été réalisée.
En conséquence, l´étude tente de dévoiler les liens entre le projet militaire et son impact économique et social. La première partie analytique retrace l’histoire du mur de l´Atlantique en examinant ses origines stratégiques, ses responsables techniques, son cadre géopolitique, ses acteurs économiques et son importance militaire. Autrement dit : l’idée et les constructeurs, le lieu et les bâtisseurs, l´évolution et la structure de l’ouvrage.
La deuxième partie descriptive se préoccupe une tranche du mur peu étudiée, éloignée de la guerre acharnée à l’Est et sans danger d’une invasion alliée : la côte aquitaine entre la Gironde et les Pyrénées, évoluant en une zone stratégique en Europe d’Hitler. Bordeaux, la capitale régionale de l’Aquitaine, était doublement importante pour le III. Reich. D’une part, le port de la ville reçoit le commerce avec le Japon, allié d’Hitler dans une guerre devenue mondiale ; d’autre part, la ville fut une base pour des sous-marins allemands, l´arme décisive dans le prologue du débarquement, la « bataille dans l´Atlantique ».
Pour la protection de ses sous-marins, Hitler ordonne la construction d´un gigantesque blockhaus à Bordeaux. L´étude de la base sous-marine de Bordeaux est doublement intéressante : d’une part, elle révèle le degré de la collaboration économique, et en particulier l´engagement à Bordeaux d’une entreprise allemande, les importants chantiers navals BLOHM & VOSS de Hambourg ; et de l´autre, elle dévoile la politique de la main d’œuvre, recrutée à Bordeaux parmi une catégorie de travailleurs forcés peu étudiés, les réfugiés espagnols.
Finalement, l´étude retrace l´évolution et la structure de mur en Aquitaine, et en particulier l’évolution d’une de ses « forteresses », qui, malgré la fin des hostilités en France en hiver 1944, continue d’occuper l’estuaire de la Gironde pendant presque une année, aboutissant dans la bataille de la « poche du Médoc ».
La France dans l´Europe d´Hitler
La France fut avec la Belgique le seul pays lequel Hitler aurait vue de ses yeux. L´ex-périence des tranchées dans le Nord de la France évacuée et détruite pendant la Première Guerre mondiale marque profondément le jeune Hitler, alors que la langue et la culture française lui demeurent étrangères. Son image de la France reste dominée par la guerre.
Issue de cette expérience, il développe dans l´entre-deux-guerres une idéologie, fixée dans les deux tomes de son ouvrage « Mein Kampf », qui anticipe tous les buts de sa future politique : La révision du traité de Versailles et « la conquête de l´espace vital à l´Est pour le peuple allemand. » La seule possibilité envisageable pour la reconquête des territoires perdus demeure une nouvelle guerre contre la France. En juin 1920, il écrit dans le premier tome : « (…) même si nous sommes sans défense, nous ne craignons pas une guerre contre la France ».
Mais dans son deuxième tome, il rectifie sa vision de l´avenir de l´Allemagne. La reconquête de l´Alsace-Lorraine, qualifiée désormais de « sottise politique », cède à l´idée d´une « politique d´espace », la conquête de nouveaux territoires pour le peuple allemand dans le monde.La France demeure un « ennemi héréditaire », dont il souhaite toujours la destruction, mais son rôle se transforme d´un but à un moyen afin d´avoir les mains libres pour une fin plus grande : La conquête de l´Union soviétique. Bien avant d´accéder au pouvoir, il dessine ainsi les lignes de sa politique pour deux nouvelles guerres en Europe.
Avec son accès au pouvoir, Hitler entame la réalisation de son programme politique guidé par son idéologie. La conquête de la Tchécoslovaquie et de la Pologne, toutes les deux alliées de la France, restent nécessaire afin pouvoir entamer l´attaque contre la France, et une alliance avec l’Italie reste indispensable en vue d´une attaque de la Union soviétique.
Deux évènements mondiaux dirigent Hitler vers une alliance avec l´Italie. En mai 1936, l´Italie de Mussolini entame la conquête de l´Abyssinie en Afrique. Hitler soutient cette mainmise italienne sur l’Afrique et obtient en contrepartie l´abandon italien d´une annexion du Tyrol, territoire revendiqué par l’Italie de Mussolini. Le deuxième évènement, la guerre civile en Espagne, mènent les deux dictatures vers un premier engagement commun pour soutenir le putsch militaire du général Franco, aboutissant à un « axe Berlin – Rome », alors que la France et l´Angleterre poursuivent une politique de non-intervention : La guerre d´Espagne devient ainsi le prologue de la Deuxième Guerre Mondiale.
Après le rapprochement avec l´Italie, Hitler signe le 23 août 1939 un pacte de non-agression avec Staline. Ainsi, il écarte le danger d´une attaque soviétique pendant sa guerre à l´Ouest, seule la Pologne reste encore à conquérir pour avoir le « dos libre ». Le 31 août, Hitler signe sa directive n°1 pour l´attaque de la Pologne et déclenche ainsi la Deuxième Guerre mondiale.
Le lendemain commence l´attaque de l´armée allemande contre la Pologne, et deux jours plus tard, la France et l´Angleterre déclarent la guerre à l´Allemagne. Quatre semaines plus tard seulement, la Pologne vaincue présente sa capitulation pendant que les armées alliées demeurent dans la défensive à la frontière allemande : C´est la « drôle de guerre ».
Après dix mois d´attente, les chars allemands percent le 11 mai 1940 les lignes françaises dans les Ardennes et parviennent en onze jours à traverser le Nord de la France jusqu´à Calais. Ainsi, le front allié est coupé en deux. Les six semaines suivantes, la Wehrmacht occupe plus de la moitié de la France, et le plus grand pouvoir militaire sur le continent est vaincu. Par la défaite française, Hitler achève son premier but : La révision de la défaite allemande de 1918 et la destruction militaire de « l´ennemi héréditaire ». La victoire sur la France devient la « plus grande victoire d´Hitler ».
Ensuite, il se tourne vers l´Angleterre. Puisqu´une entente politique avec l´Angleterre reste inconcevable, Hitler décide sa soumission par un débarquement sur l´île, l´opération « Otarie ». Cependant, l´autre côté de la Manche, les avions allemands se heurtent à un système de défense anglais très efficace qui permet à l´aviation anglaise de gagner la guerre dans l´air. En décembre 1940, Hitler doit déclarer que la « bataille aérienne de l´Angleterre » est perdue, et que l´invasion de l´île est abandonnée.
De ce fait, déjà en 1940, Hitler perd sa première bataille. Il se détourne de l´Angleterre, imbattable dans une « guerre éclair », et il entame les préparatifs pour sa deuxième guerre, la conquête de « l´espace vital à l´Est ». En décembre 1940, il signe sa directive no 21 pour une attaque contre l´Union Soviétique, l´opération « Barbarossa ».
Bien que la menace à l´Ouest ne soit pas maîtrisée, Hitler modifie de ce fait profondément sa stratégie et prend le risque d´une guerre sur deux fronts. Pour l´historien allemand E. Jäckel, ce changement dans sa stratégie fut « la décision la plus lourde de conséquences qu´Hitler ait jamais prise. »
Finalement, fin 1941, quand la menace d´une invasion alliée se concrétise avec l´entrée en guerre des États-Unis, l´armée allemande construit un important système de défense sur la côte atlantique, le « mur de l´Atlantique ». Pour sa réalisation, Hitler délègue les travaux à une nouvelle organisation civile : « l´organisation Todt ».
La France occupée 1940-1944
La France occupait une place particulière en Europe d´Hitler étant divisée en cinq parties : le Nord fut attaché à la Belgique, l´Est fut attaché au Reich, et une ligne de démarcation divisait la France en territoire occupée et non-occupée. La zone occupée fut administrée par l´armée allemande, une partie du Sud-Est fut administrée par l´Italie. Seul le Sud restait jusqu’en novembre 1942 sous contrôle d´un nouveau régime français installé à Vichy.
Avec l´occupation allemande commence l´exploitation organisée des ressources françaises. Par l´armistice, la France est chargée d´entretenir l´armée allemande, et le coût excessif, fixé à 400 millions de francs, aurait suffi pour l´entretien d´une armée de 18 millions d´hommes. Au cours de l´occupation, la France a dû payer 33 milliards Reichsmark de frais d´occupation, et, dans le cadre du clearing, elle a accumulé huit milliards Reichsmark sur des comptes allemands jamais réglés.
Mais pour l´administration du pays, les militaires allemands dépendent de la coopération des autorités françaises qui sont contrôlées par un nouveau régime installé en zone non occupée à Vichy. Pendant l´attaque contre la France, le gouvernement se refuge à Bordeaux, et le 22 juin, Maréchal Pétain, nouveau chef d´État, signe à Compiègne un armistice avec le vainqueur. En octobre 1940, il rencontre Hitler à Montoire et il lui propose sa collaboration par une poigné des mains symbolique. Le régime de Vichy obtient ainsi en politique étrangère la possibilité d´une collaboration volontaire avec le III. Reich et en politique intérieure la possibilité d´engager une « Révolution nationale ».
Aucun autre pays en Europe d´Hitler a entrepris autant des réformes radicales que l´État français. Bien que des divers mouvements conservateurs et fascistes se soient disputés pour la direction politique de la « France nouvelle », l´économie et la société libérale ainsi que le système parlementaire furent leurs ennemis communs.
Dans l´économie, on remplace le marché libre par une direction étatique. Les syndicats et les associations des patrons sont abolis et remplacés par des « comités d´organisation », crées dans tous les secteurs économiques et composés des patrons influents. Le contrôle de l´économie passe ainsi dans les mains de quelques industriels et bureaucrates pronazis.
Le régime de Vichy conçoit le cadre législatif pour l´exploitation de la main d´œuvre les deux côtés du Rhin. Déjà en juillet 1940 débute les négociations sur le sort des 1, 6 millions de prisonniers de guerre dans le Reich. Afin d´obtenir leur retour, le régime se nomme soi-même leur protecteur et rompre de ce fait avec la convention de La Hague. Ensuite, elle permet la déportation des prisonniers étrangers dans le Reich.
En juin 1942, le régime installe la „Relève“, l´échange de trois ouvriers volontaire contre un prisonnier de guerre. Mais la « Relève » connaît seulement un faible succès, et le régime ordonne un service de travail pour toute la population : En septembre 1942, il ordonne une loi pour un service de travail de tous les hommes entre 18 et 50 ans, et en février 1943, une loi sur le « Service de travail obligatoire » (STO) obligeant des classes d’âge entières de travailler pour le Reich. Le régime établit ainsi son propre appareil de réquisition et de déportation qui épargne les autorités allemandes intervenir par ses propres moyens.
Mais le régime de Vichy ne se contente de fournir la main d´œuvre pour l´Europe d´Hitler, il demande également de contribuer à sa défense. Côté officiel, les militaires français et allemands négociés à partir de 1940 sur une collaboration dans les colonies. Face à des victoires anglaises en Afrique de l´Ouest, le régime demande de pouvoir défendre ses colonies contre l´ennemi commun, l´Angleterre. Pendant que les militaires cherchent à trouver un terrain d´entente, les négociations échouent au refus d´Hitler.
Face à la menace d´un débarquement allié en France, le régime cherche également à participer au mur de l´Atlantique. Pour Pétain, l´engagement français au mur est une question de la souveraineté du régime. Avec une participation française, le régime cherche à démontrer sa valeur en tant que véritable partenaire, mais la demande française tombe dans les oreilles sourdes du dictateur allemand. Une participation française au mur ne voit pas le jour, la côte atlantique en France reste en tant que « territoire militaire interdit » dans les mains allemandes.
Ce « territoire militaire interdit » sur la côte est créé dès le début de l´occupation, tout au long d´une « ligne côtière interdite ». Large de dix kilomètres, ce territoire côtier demeure sous le contrôle militaire allemand. Il devient d´abord terrain préparatif pour l´invasion de l´Angleterre : l´armée française doit se retirer, et toutes les installations militaires sont réquisitionnées par l´armée allemande.
En hiver 1940 débute les premières réquisitions de la main d´œuvre locale pour les fortifications côtières. Dans le Nord, l´armée allemande demande les préfets de mettre à sa disposition 500 ouvriers par département, au cas de refus, les ouvriers sont jugés devant un tribunal militaire pour « sabotage de la collaboration franco-allemande ».
En janvier 1944, le territoire côtier interdit est élargis jusqu´à 30 kilomètres et nommée « zone de combat » : l´armée allemande reçoit ainsi le contrôle totale sur l´homme et le matériel. Par la suite, 100 000 personnes du département du Nord sont évacuées, après le débarquement, 200 000 personnes de plus doivent quitter les départements de la Manche. Face à l´avance des Alliées en France, la Wehrmacht abandonne son plan initial de déporter cette population évacuée dans le Reich.
À côté de la main d´œuvre, l´armée allemande procède également à la réquisition du matériel industriel. Bien que les autorités militaires ordonnent une réglementation pour toutes réquisitions en France, l´organisation Todt entreprend de propres confiscations sans autorisation officielle. Afin d´éviter une perte du matériel, l´industrie du bâtiment – fort présent sur la côte atlantique – cherche rapidement une collaboration avec l´OT. Finalement, le sauvetage du matériel et le paiement des services deviennent les préoccupations principales de toute l´économie française.
La collaboration de l´économie française
Par l´occupation de la France, le régime nazi met la main sur un de plus important pouvoir économique dans le monde avec une industrie développée, un capital liquide et une main d´œuvre qualifiée. En conséquence, l´économie française devient pour la machine de guerre allemande une « perle » dans l´Europe d´Hitler qui contribue la partie majeure des efforts industriels, financiers et sociaux de tous les pays occupés.
Pendant la défaite, l´industrie française mobilisée pour la guerre travaille à pleine capacité. Après l´armistice, face à des réquisitions et la fuite de la population, la collaboration avec le vainqueur demeure le seul moyen d´éviter la catastrophe économique. Vu le succès de la « guerre éclair » allemande, les patrons préparent immédiatement leur position dans le nouvel ordre économique en Europe. Quant au régime de Vichy, il reste par sa demande des contreparties dans l´échange économique franco-allemand la « cinquième roue de la carrosse ».
Le début de la collaboration économique est marqué par le « transfert de commande ». En automne 1940, H. Göring, chargé du plan de quarte ans pour l´économie du III. Reich, demande de transférer les commandes industrielles en pays occupés. Afin de convaincre les industriels français, les autorités allemandes organisent une foire industrielle en 1941 à Paris avec des produits à fabriquer en France. La foire est un grand succès, environ 80 percent des produits allemands trouvent un fabricant français.
La France devient par la suite le plus important partenaire commerciale pour le IIIe Reich. D´octobre 1940 à avril 1944, l´armée allemande fait passer des commandes dans l´ordre de 460 milliards francs à environ 3 600 entreprises françaises. Pendant quatre ans, l´industrie d´aviation et d´acier travaillent à 100 percent, les chantiers navals, l´industrie automobile et du bâtiment travaillent à 80 percent pour l´économie de guerre allemande. Pendant l´occupation, le France fut « l´établie prolongé » du IIIe Reich.
Mais l´intérêt allemand à l´économie ne se limite à une délocalisation de la production, il touche également les participations financières en France et en Europe. Pour les banques françaises et ses actionnaires, la vente des actions étrangères ou la rentrée du capital allemand est une bonne affaire assurant à la machine de guerre allemande le contrôle sur les matières premières en Europe occupées.
Parmi des nombreux cas de vente de titres ou de participations, l´affaire d´une « société allemande pour la production de pesticides », la DEGESCH AG, relève encore des questions. Cette sœur du géant chimique IG FARBEN, impliquée dans la production du gaz « Zyklon B » pour les camps d´extermination, fonde avec l´entreprise française UGINE une société mixte afin de produire des pesticides en France. En seulement trois ans, cette nouvelle société franco-allemande, la DURFERRIT-SOFUMI, parvient à tripler son capital, sans que le besoin de pesticides augmente essentiellement. Par conséquent, on peut se demander dans quelle mesure cette entreprise était impliquée dans la livraison du gaz dans le Reich pour l´holocauste.
Quant à l´industrie du bâtiment, l´OT prend le contrôle sur la distribution du ciment et devient de ce fait un partenaire incontournable. Cependant jusqu´en 1942, la collaboration demeure volontaire. L´armée et l´OT emploient d´abord des entreprises allemandes qui eux-mêmes cherchent leurs sous-traitants sur place. Seulement à partir du mai 1942, avec la demande des autorités allemandes d´une consultation obligatoire pour toute construction dépassant les 20 000 francs, l´industrie du bâtiment entière passe sous le contrôle de l´occupant.
Un bon exemple de la collaboration volontaire est l´entreprise familiale SAINRAPT & BRICE, la cinquième du pays. Sous la direction de P. Brice, un ingénieur brillant, l´entreprise parvient en quatre ans de multiplier son capital par treize : Avec un chiffre d´affaire de 900 millions par la construction des bunkers pour armes, équipes et carburant, SAINRAPT & BRICE arrive à gagner environ 280 millions de francs. Pour cette entreprise, le mur de l´Atlantique est une très bonne affaire.
Au total, les gains de l´industrie du bâtiment étaient considérables. Selon une étude de la CGT de 1948, plus de 153 entreprises ont pu multiplier leur chiffre d´affaire par rapport à l´avant-guerre par cinquante percent, 85 entreprises l´ont multiplié par 100 percent, et 36 même par 200 percent. Le volume de tous les travaux français au mur de l´Atlantique est estimé à 16 milliards de francs.
Quant aux ouvriers, ils se dirigent vers les chantiers sur la côte afin d´éviter la déportation vers le Reich par le STO. Fin 1944, l´industrie du bâtiment emploie un tiers de la population travaillant pour l´occupant. En cas de manque, le « délégué pour la main d´œuvre » se chargeait de livrer les travailleurs forcés nécessaires. Dans une lettre à Hitler, F. Sauckel se vante d´avoir livré à l´OT « sans cesse de la main d´œuvre nouvelle afin de garantir la construction du mur de l´Atlantique. »
Selon l´historien économique A. S. Milward, le mur fut le « plus grand projet de construction de l´économie nationale pendant l´occupation. » Rien qu´en 1943/44, le Reich transfère 18 milliards de francs à l´OT et 14 milliards à la marine afin de payer les entreprises chargées avec sa construction. De l´argent public est ainsi transféré par les frais d´occupation sur des comptes privée des entrepreneurs. En fin compte, la société française a financé la construction du mur, pendant l´industrie du bâtiment a pu s´enrichir par une étroite collaboration avec l´OT dans la construction de la « forteresse Europe ».
La « forteresse Europe »
Après l´expérience de la guerre des tranchées pendant la Première Guerre mondiale, on construit en Europe dans les années trente des nombreuses lignes de défense. Aux Pays-Bas, on construit la « forteresse Hollande », en France, on bâti toute au longue de la frontière allemande la « ligne Maginot ». Quant aux fortifications allemandes, Hitler lui-même est personnellement impliqué dans leurs planifications. Déjà en 1938, il rédige une note avec des plans détaillés pour des bunkers : le « mur de l´Ouest » et le « mur de l´Atlantique » sont ses idées.
Début 1938, le IIIe Reich entame la construction du « mur de l´Ouest ». En mai, Hitler ordonne à Todt de bâtir une ligne de fortification allemande face à la « ligne Maginot ». Plus de 23 000 bunkers doivent assurer qu´une attaque française n´a pas lieu quand la Wehrmacht occupe la Tchécoslovaquie. En septembre 1938, la première partie est achevée, et Hitler annonce fièrement la mise en service de 14 000 bunkers, soi-disant pour la protection de la paix : « J´ai entrepris le plus grand effort de tous les temps afin de servir à la paix. »
La construction du « mur de l´Ouest » engendre un perfectionnement dans la construction militaire. En deux ans, les pionniers de la Wehrmacht réalisent plusieurs séries de modèles de blockhaus standardisés, les « Regelbauten », permettant un calcul d´avance du matériel et une construction rapide sans soucis du terrain. Par ces modèles, l´emploi de l´organisation Todt avec ses ingénieurs et ouvriers civils pour la construction de bunkers devient désormais réalisable et efficace.
Par cette évolution, les « Regelbauten » servent comme modèle pour toutes les fortifications allemandes pendant la Deuxième guerre mondiale. Après l´occupation de la zone libre en France, on bâti sur la côte d´Azur le « Südwall » ; en Russie, on entame en été 1943 la construction du « Ostwall » ; en Italie, on commence en juin 1943 la « ligne de Goths ». Mais la plus grande ligne de défense devient le nouveau mur à l´Ouest, le « mur de l´Atlantique ».
En décembre 1941, Hitler réalise que les côtes atlantiques de son empire sont menacées, et il ordonne la création d´une ligne de fortification en Norvège, aux Pays-Bas, en Belgique et en France. À ses généraux, assez sceptiques à son idée, il avoue dans une conférence : « Je ne peux plus dormir une seule nuit tranquille quand je pense que les Américaines et Anglais débarqueront en France (…) Je me fixerais en France comme le chancre. »
Malgré un effort gigantesque, l´OT ne parvient à réaliser le si nommé « programme de 15 000 bunkers » jusqu´en mai 1943. Bien qu´elle coule 600 000 m 3 par mois – un volume qui corresponde à deux centres nucléaires modernes -, elle achève jusqu´en printemps 1944 seulement 40 percent du programme des bunkers prévus pour le mur. La vision gigantesque d´Hitler reste impossible en si peu de temps.
En novembre 1943, Hitler demande son meilleur soldat, le Maréchal E. Rommel, de forcer les travaux. Le nouveau « inspecteur pour les fortifications à l´Ouest », conscient d´un éventuel débarquement en Normandie, modifie avec beaucoup d´engagement le programme et entame la fortification des plages par l´installation de plus d´un million d´obstacles. La « chaîne de perles en béton » prend enfin la forme d´une ligne de défense.
Le jour du plus grand débarquement dans l´histoire militaire, l´opération « Overlord », les Alliées doivent faire face – malgré toutes les difficultés allemandes – à la plus grande ligne de fortifications dans l´histoire depuis le Limes romain. Début 1944, le mur de l´Atlantique est équipé avec 3 000 canons d´artillerie lourde et 2.000 canons antichars dans 8 000 bunkers achevés, pour lesquels on a coulé dix millions m 3 de béton, un volume correspondant à 40 centres nucléaires modernes.
Cependant, le mur d´Hitler reste vivement critiqué par ses propres généraux. Les chefs de la Wehrmacht voient très vite qu´il reste impossible de combler un manque d´hommes par des fortifications. Par exemple, le général de la 15e armée en France note en octobre 1943 : « Le mur de l´Atlantique n´est pas un « mur », mais plutôt une mince ligne souvent interrompue, avec quelques points plus stables. »
Quant à la tactique, elle reste mal conçue par les deux responsables du mur, le Maréchal E. Rommel le et le général Rundstedt. Rommel préconise une ligne fixe avec le soutien des chars sur la plage, pendant que Rundstedt insiste sur une tactique souple avec des chars dans l´arrière-pays. En fin compte, cette « controverse de chars » paralyse la défense allemande même après l´invasion alliée.
De plus, l´armement du mur demeure inapproprié. Le mur reçoit plus de cent types de canons différents, et l´approvisionnement en munition se révèle difficile. Quant aux canons, la majorité est inadéquate pour une défense contre des navires. Parmi 2 000 canons de l´armée de terre, seul 39 disposent d´une munition capable de percer un navire blindé, et seul la moitié est capable de toucher en grande distance. Côté armement, le mur demeure un « requin sans dents ».
Le manque de chars et l´armement inapproprié rendent une véritable défense impossible pour l´infanterie allemande sur la côte normande. Face à la supériorité des Alliées, fort de 600 navires et de 12 000 avions, elle ne peut ni éviter ni retarder le débarquement allié. Après un jour de durs combats, les Alliées percent le 7 juin 1944 le mur de l´Atlantique en Normandie, et la « forteresse Europe » est prise d´assaut. Le soi-disant « imprenable rempart » se révèle le plus grand factice de la Seconde Guerre mondiale.
Les quatre mois suivants, les Alliées libèrent toute la France, seul quelques unités allemandes restent isolées dans des « forteresses » et défendent encore des ports et les estuaires de la façade atlantique. De ce fait, malgré la fin des hostilités en France, la guerre sur le mur de l´Atlantique en Bretagne, en Charente et en Aquitaine continue jusqu´à la capitulation du IIIe Reich en mai 1945.
L´ »Organisation Todt » (OT)
En 1938, selon une idée du dictateur allemand, une nouvelle structure pour les travaux publics est créée dans le III. Reich. Cette organisation, qui porte le nom de son directeur, l´ingénieur Fritz Todt, se développe rapidement et devient un outil indispensable pour l´infrastructure, la défense et la production industrielle dans « l’Europe d´Hitler ». Plus d´un million volontaires, travailleurs forcés et prisonniers de guerre réalisent pour l´Organisation Todt d’immenses projets, qualifiés par les Alliés le « plus important programme de construction depuis l´empire romain ».
Todt est aviateur pendant la Première guerre mondiale et écrit une thèse sur les « problèmes en matière de construction des routes en bitume » à l´université de Munich. Ensuite, il adhère au parti nazi NSDAP et dirige à partir de 1936 la division technique du parti. Todt possède de grandes qualités d’organisation et parvient à enthousiasmer ses collaborateurs. Jusqu´à sa mort mystérieuse dans un accident d´avion en février 1942, il reste un fidèle adepte d´Hitler.
Après la nomination d´Hitler au poste de chancelier en février 1933, le dictateur annonce un grand projet de construction d´autoroutes et charge F. Todt de sa réalisation, en tant que nouveau « inspecteur général pour les routes ». À partir de 1933, plus de 100 000 ouvriers entament la construction de près de 4 000 kilomètres d´autoroutes dans le Reich. Fin 1938, l´ingénieur Todt est également chargé de la construction des voies stratégiques. Son organisation construit ainsi les voies pour les « guerres éclair » d´Hitler.
En mai 1938, Hitler demande de bâtir en face de la « ligne Maginot », la défense frontalière française, une ligne de défense allemande similaire, nommée le « mur de l´Ouest ». Mais l´ampleur de la tâche dépasse les pionniers de l´armée, et l´OT, déjà rodée et expérimentée par la construction des routes, est chargée de réaliser ce projet. Afin de structurer cette organisation civile d´une façon militaire, un leader nazi, Xavier Dorsch, est nommé « délégué spécial pour la gestion militaire » : De fait, l´organisation Todt se prépare pour la guerre.
Après la mort de F. Todt, son organisation est intégrée dans le ministère d´armement du Reich sous la direction de l´architecte A. Speer. Speer réunit dans ses mains toute la production de la machine de guerre allemande, et le nouveau dirigeant transforme l´OT, qui était jusque-là plutôt un relais d´entreprises, en un relais entre l´armée et l´industrie. À côté de l´armée, elle prend désormais le rôle d´un instrument important pour la guerre et d´un garant indispensable pour l´exploitation des territoires occupés : Elle devient un pilier étatique de la dictature nazie en Europe d´Hitler.
Un gigantesque appareil avec plus de 50 000 employés dirige pendant quatre ans de son siège de Berlin une armée d´ouvriers. Au début, le personnel se recrute parmi les Allemands volontaires ou réquisitionnés. Mais avec la guerre en France commence le recours à des étrangers, soit attirés par le salaire, soit forcés par les autorités. Au cours des conquêtes allemandes en Europe, des milliers d´hommes et de femmes, surtout en Russie, en Pologne et en France deviennent des travailleurs forcés pour le III. Reich. En 1943/44, l´OT emploie environ 1,4 millions de personnes.
Pour tous ses projets, l´OT signe des contrats avec des entreprises allemandes et étrangères. Ces contrats fixent le cadre de la coopération dans laquelle l´OT se charge de tous les coûts. Seuls les salaires restent à la charge de l´entreprise. Comme modèle servait le « contrat de service franco-allemand » mettant la fixation des prix à la disposition de l´entreprise. La coopération avec l´OT fut ainsi une bonne affaire.
Déjà en mai 1940, pendant l´attaque contre la France, on crée une première unité spéciale de l´OT, le « groupe d´intervention Ouest ». Des ouvriers, sont réunis dans des « colonnes de travailleurs du front » pour exercer des tâches normalement effectuées par les pionniers de l´armée. Le 1er mai 1940, Fritz Todt s´adresse à ses ouvriers et définit les nouvelles tâches pendant la guerre : « L´ouvrier du front restera toujours aux côtés du soldat du front. Ceci sera la devise de l´organisation Todt dans le combat désormais commencé. »
Pendant la guerre contre la France et pour la première fois dans l´histoire militaire, un corps d´ingénieurs et d’ouvriers civils est directement employé dans une bataille. Plus de soixante entreprises et 20 000 ouvriers suivent, dans des autocars et des camions, l´armée allemande en France. Fin 1941, l´organisation Todt installe son nouveau fief à Paris, et selon un rapport anglais, elle dispose en 1945 de 600 000 personnes.
Parmi eux, d’après le témoignage de son directeur X. Dorsch, seuls 24.000 ouvriers sont des Allemands. La majeure partie du personnel sont des étrangers, soit volontaires, soit prisonniers de guerre ou travailleurs forcés. Aux Pays-Bas, le « groupe Ouest » emploie 60 000 travailleurs civils, en Belgique, il dispose de 50 000 prisonniers de guerre.
En France, elle reçoit déjà en été 1940 les premiers prisonniers de guerre, venant du camp de prisonniers de Besançon. Ensuite, elle dispose de 10 000 Juifs ayant perdu leur nationalité française et mis à disposition par le régime de Vichy. Près de Boulogne, l´OT installe plusieurs camps de travailleurs, recevant également des Juifs belges, et des entreprises allemandes emploient plus de 2 000 Juifs pour la construction des fortifications jusqu´en octobre 1942, date de leur déportation à Auschwitz.
Après des négociations avec Vichy, l´organisation Todt en France reçoit également 6 000 jeunes venant des « chantiers de Jeunesse ». Vichy met ensuite à sa disposition 14 000 Juifs et Polonais ainsi que 50 000 ouvriers du ministère des Ponts et Chaussées. Finalement, l´OT utilise également des prisonniers criminels, et en avril 1944, la centrale de Berlin envoie des équipes de « mixtes », c´est-à-dire des personnes ayant des origines juives, pour le travail en France.
Avec son personnel, le groupe d´intervention Ouest bâtit au total plus de 16 000 constructions de fortification, onze blockhaus pour sous-marins ainsi que de nombreux blockhaus pour des avions, les missiles (V1, V2) et l’industrie. Rien que dans la France occupée, l´OT Ouest utilise plus de 16 millions m2 de béton, un volume qui correspond à celui de 65 centrales nucléaires modernes.
Aquitaine sous l´occupation allemande
Après l´occupation, la région d´Aquitaine devient par sa frontière avec l´Espagne un avant-poste stratégique pour l´Europe d´Hitler. Cependant, les côtes aquitaines ne sont conquises par Hitler mais échangées contre le Massif Central et la vallée de la Loire pendant les négociations pour l´armistice. Hitler agrandi ainsi la « France libre » et occupe en contrepartie pacifiquement les côtes du Sud-Ouest.
Déjà en juin 1940, l´armée allemande avance jusqu´à la frontière espagnole, fin 1940, des unités importantes sont envoyées en pays basque pour les préparatifs de l´opération « Félix ». Afin de priver l´Angleterre de sa base à Gibraltar et de verrouiller la Méditerranée, Hitler prévoit d´occuper l´Espagne. Le 23 octobre, Hitler rencontre le dictateur espagnol à Hendaye pour le convaincre d´entrer en guerre contre l´Angleterre mais Franco refuse une participation espagnole à la guerre d´Hitler, et l´opération « Félix » est finalement abandonnée.
Pour l´administration de la région, le commandant militaire pour la France (MBF) installe en septembre 1940 le nouveau district « Bordeaux », comprenant les départements Basses-Pyrénées, Landes, Gironde, Charente et Charente Intérieure. Son siège est installé à Bordeaux, les grandes villes reçoivent des commandants locaux. En tant que district autonome, il existe seulement quinze mois : en janvier 1942, il est attaché au district militaire « Nord-Ouest ».
Avec l´occupation par l´armée allemande, l´Aquitaine fut également lieu de combat. En août 1940, les Alliées bombardent la base sous-marine de Bordeaux, provoquant la mort de 250 civils. À partir de novembre 1943, ils bombardent également en tout 43 fois la base aérienne près de Bordeaux. La population de la région subit ainsi la tactique des Alliées, qui en fin compte cherchait à les libérer de l´occupation allemande.
La région connaît également une forte migration. Les Pyrénées deviennent pour beaucoup de poursuivis la dernière sortie de l´Europe d´Hitler. Mais la frontière espagnole est particulièrement surveillée par 2 000 douaniers bavarois qui deviennent par leur expérience montagnarde un grand obstacle pour une fuite de l´autre côté des Pyrénées vers l´Espagne ou le Portugal.
Pendant quatre ans, de milliers de Résistants, de communistes et des Juifs tentent de quitter l´Europe d´Hitler par les Pyrénées, mais parmi les environ 120 000 tentatives de traverser les colles, seul un tiers parvient de passer la frontière. La plupart d´eux est soit arrêté par les douaniers allemands ou espagnols, soit mort en montage, environ cent personnes meurent dans des camps d´internement espagnols. Pour le contrôle de la frontière, le régime de Franco, le nouvel État français et l´occupant collaborent étroitement.
L´administration régionale collabore également en matière de main d´œuvre. Le département Gironde se révèle un modèle pour le départ des ouvriers dans le Reich dans le cadre de la « Relève » et du STO : en tout, plus de 10 000 hommes et femmes de la Gironde partent pour le Reich. Quant à l´organisation Todt sur place, elle reçoit 8 000 ouvriers pour ses chantiers. Dans le département de Landes, la « Relève » connaît un moindre succès. Jusqu´en juin 1942, seul 239 hommes se présentent pour le départ volontiers, mais après l´institution du STO, 6 000 partent dans le Reich, et 756 ouvriers travaillent sur place pour l´OT.
En pays basque, 650 ouvriers partent volontairement en Allemagne, et 3.000 personnes sont forcées de quitter le pays par le STO. L´OT, fort présente dans le port de Bayonne, reçoit 1 300 hommes, et une centaine d´ouvriers construit également une « deuxième ligne » dans l´arrière-pays. Afin de forcer les réquisitions, les autorités allemandes ordonnent une pénalité de mille francs à toute personne n´ayant pas suivie la réquisition. Malgré la menace, la plupart d´hommes préfèrent se cacher dans des fermes ou dans la forêt des Landes, en pays basque, la résistance crée même un groupe « anti-déportation ».
Le département des Landes est également très tôt un foyer pour la résistance. Fin 1940, les premiers cercles établissent des imprimeries illégales, et en juillet 1942, un groupe nommé « organisation civile et militaire » (OCM) compte 360 membres. Ces activités débutent par la distribution des tracts et par l´organisation des évasions à travers la frontière. En novembre 1942, fourni en armes et explosives par parachutage, ils entreprennent en coopération avec des commandos anglais des actes de sabotage contre les voies ferrées et commettent des attentats contre l´occupant.
Quant au mur de l´Atlantique dans la région, il fut également la cible d´espionnage. Deux étudiants en médecine, en permission de rentrer en zone côtière, rassemblent pendant deux ans des renseignements sur les blockhaus sur le bord de l´estuaire de la Gironde, transmises ensuite aux Alliées. Leur hôpital St. André à Bordeaux se développe par la suite en lieu de résistance, abritant également des Juifs, des pilotes anglais et des évadés. La détermination d´une profession contribue à la connaissance alliée du mur en Aquitaine.
Bordeaux, ville stratégique du IIIe Reich
Le 16 juin 1940, le conseil des ministres décide de proposer à l´Allemagne un armistice, et Maréchal Pétain est chargé de constituer un nouveau gouvernement. En conséquence, une partie du gouvernement part de Bordeaux avec le paquebot « Massilia » vers les colonies, et un secrétaire d´État, le général Charles de Gaulle, quitte la ville par avion pour Londres. À Bordeaux, la IIIe République se divise en adversaire et sympathisant de l´armistice, et la ville devient le lieu de naissance de la politique collaborationniste.
Quand les troupes allemandes entrent dans la ville, ils assistent à un spectacle surprenant : le préfet offre des fleurs au commandant allemand, et le maire organise un banquet à la mairie. Dès le départ, la collaboration est très étroite : avant que le régime ordonne l´internement des « ennemis du régime » en septembre 1940, la police de Bordeaux procède à l´internement de personnes suspectes. La politique et l´administration régionale acceptent volontairement la collaboration avec l´occupant.
En juin 1942, la direction de police de Bordeaux connaît un changement décisif : M. Papon devient le nouveau préfet de police. Chargé en juillet 1942 de la déportation des Juifs, il organise leur départ par la gare de Bordeaux ou ils se retrouvent dans des catacombes sous la gare, récemment rendue publique par la SNCF. La déportation des Juifs girondins par M. Papon échappe de telle sorte aux habitants, et les trous de balle dans les catacombes indiquent des premières exécutions. De 1.600 Juifs déportés de Bordeaux à Auschwitz, uniquement trente survivent l’holocauste.
Papon démontre sa hâte de servir à l´occupant également dans la liquidation des biens juifs. Selon un de ses rapports non daté à la police allemande, il rapporte que le nouveau « commissariat pour des questions juives » a procédé à « l´aryanisation » des près de mille entreprises et terrains juives. La plupart des biens est vendue avant que le régime confirme officiellement les confiscations. Quant aux autorités allemandes, ils se contentent d´un rapport mensuel. Face à la dépossession systématique des Juifs par les autorités françaises, il convient de supposer qu´ils étaient vraisemblablement au courant leur sort.
Autre que la déportation et la dépossession des Juifs, les autorités locales rendent également service pour les réquisitions dans le Reich. Assisté par une presse publiant des articles enthousiastes pour le travail en Allemagne, jusqu´en janvier 1943, 10 000 ouvriers partent volontairement dans le cadre de la « Relève » pour le travail en Allemagne.
Avec l´introduction du STO, la police de Bordeaux crée même une unité spéciale pour la chasse aux réfractaires, la si nommée « brigade des oisifs ». En août 1943, Vichy félicite la ville pour ses efforts : « En ce qui concerne les résultats déjà acquis par les opérations pour la Relève, la région de Bordeaux se situe parmi les trois meilleurs. » La région de Bordeaux évolue ainsi en pilier du travail forcé pour le III. Reich.
À côté d´une administration efficace, la ville dispose aussi d´un de plus important port en France, fort intéressant pour l´occupant. Le port de Bordeaux compte avant la guerre parmi le plus grand, avec le passage de 3 000 bateaux par ans transportant en 1938 un million tonnes de charbon et d´huile.
Le port bordelais évolue pendant la guerre en un lieu stratégique : Il devient le port d´attache pour le commerce avec les alliées allemands, l´Espagne et le Japon. La marine allemande organise des nombreux allers-retours des navires commerciaux, amenant des métaux du Japon dans la ville, transférés ensuite sur les rails vers le Reich. Dans trois ans, les bateaux nommés « forceurs du blocus », transportent au total 217 000 tonnes de marchandises entre le Japon et Bordeaux. Le port de Bordeaux sert ainsi au III. Reich de s´approvisionner avec des matières indispensables pour l´économie de guerre.
Autre que le port, Bordeaux possède aussi des grands vins, vite convoités par l´occupant. Dès juin 1940, un jeune commerçant allemand de Brême, H. Boemers, débarque à Bordeaux et organise pendant quatre ans en tant que « délégué pour l´import » la vente des vins bordelais vers le Reich. Par Boemers, les négociants bordelais disposent d´un moyen confortable pour la vente dans le Reich, et le paiement s´effectue discrètement par des banques américaines. Entre 1942 et 1943, le jeune négociant allemand vende un million hectolitres vers le Reich, voire sept percent de l´export français de 15 millions hectolitres au total.
Quant aux ressources humaines, en septembre 1942 débute la réquisition de la main d´ouvre par la ville vue le maigre résultat de la « Relève » avec seulement 725 volontiers. Le préfet envoie des nombreuses listes aux maires, et jusqu´en avril 1943, 4 000 hommes se présentent dans le bureau de l´OT. Les critères du choix restent obscurs, la plupart des réquisitionnés sont des employés sans expérience dans le bâtiment.
L´OT évolue ainsi en plus grand employeur de la ville : en juin 1944, 31 000 ouvriers travaillent pour l´OT, 15 000 pour la marine allemande et l´armée de l´Air. Au total, 100 000 personnes travaillent dans la région de Bordeaux pour l´occupant. Afin de protéger la base marine et aérienne, la ville, faisant partie du mur de l´Atlantique, est fortifiée par vingt points d´appui sur les grands axes. Jusqu´en juin 1944, l´OT construit plus de 70 blockhaus à Bordeaux et dans ses environs.
En juillet 1944, le port de la ville est aussi la cible d´un étonnant acte de sabotage. Un mois après l´invasion alliée en Normandie, les troupes allemandes à Bordeaux reçoivent l´ordre de quitter la ville. Afin de d´empêcher un débarquement allié à Bordeaux, le commandant est sollicité de détruire le port et les quais engendrant la mort de la population dans les environs. Cependant, le plan est déjoué par un jeune allemand, H. Stahlschmidt, sous-officier de la Wehrmacht. Etant responsable pour le bunker avec les amorces nécessaires pour la destruction des quais, ce jeune soldat, ayant des bonnes relations avec des Français, décide de les faire exploser afin de rendre une destruction de la ville impossible. Questionné sur ses raisons, il déclare après la guerre : « La conscience est plus importante que la discipline. »
Le 27 août 1944, l´armée allemande quitte la ville restée sans dommage. Afin d´empêcher un débarquement éventuel, l´occupant détruit quand même quelques installations portuaires, et la Gironde est rendue innavigable par plus des deux cents navires coulés. Après la guerre, des travaux importants sont nécessaires pour dégager le fleuve, et jusqu´à présent, quelques épaves demeurent toujours dans la Gironde.
La base sous-marine de Bordeaux
La guerre allemande contre la France est autant le début des hostilités sur terre que le départ d´une guerre maritime dans l´océan Atlantique. Pendant six ans, les Alliées se livrent à une bataille acharnée avec des sous-marins allemands stationnés dans les ports en France. Afin de protéger « l´arme sous-marins » des bombardements alliés, l´OT construit dans un douzain de ports des gigantesques blockhaus et réalise de ce fait un de plus grand programme de construction de toute la guerre.
L´emploi allemand des sous-marins connaît au début de la guerre maritime des succès spectaculaires : jusqu´en décembre 1940, la connaissance du code de communication britannique et la tactique d´une attaque « en meute » permettent aux sous-marins allemands de détruire cinq cents navires de commerce anglais. Leur succès provoquent une crise dans l´approvisionnement de l´Angleterre, les importations diminuent de dix, les livraisons en huile même de cinquante percent.
En fin, en mars 1941, les Alliées parviennent de reverser la situation. Ils capturent un sous-marin abandonné par l´équipage et trouvent à l´intérieur une machine à déchiffrer le code de communication allemand. Dès mai 1941, le service de renseignements britannique est capable de décrypter les ordres radiodiffusés de la marine allemande et de connaître les positions des sous-marins. La perte d´une machine à déchiffrer, tombée dans les mains des Alliées, décide la guerre maritime dans l´Atlantique.
Un autre coup fatal devient la chasse des Alliées aux ravitailleurs allemands, les « vaches à lait » fournissant aux sous-marins en mer le carburant nécessaire. Leur perte détruit d´un coup le système d´approvisionnement de la marine allemande. Jusqu´à fin 1943, elle plus de la moitié de ses quatre cents sous-marins. Avec la fin de la flotte des sous-marins allemands, le III. Reich perd le prologue de l´invasion alliée sur le continent européen, la « bataille maritime dans l´Atlantique ».
Cependant, pendant quatre ans, la marine allemande dispose par l´occupation de la côte française de nouveaux ports évitant aux sous-marins des longs retours vers les ports du Reich. Pour K. Dönitz, commandant de la marine allemande, les ports français sont d´une grande importance stratégique. Déjà avant la signature de l´armistice, l´OT commence à bâtir la première base marine à Lorient, d´autres bases sont construites à Brest, St. Nazaire, La Pallice et Bordeaux.
Pour les bases sous-marines, on coule près de quatre millions m3 de béton au cours de quatre ans. Chaque blockhaus nécessite 20 000 hommes et 2 000 camions, et la plupart d´ouvriers et du matériel sont français. L´OT distribue les chantiers par loterie aux entreprises car l´intérêt est important et les sommes investies sont tout à fait considérables : chaque base se chiffre à 400 millions de francs, et les chantiers promettent des profits de 300 percent.
À Bordeaux, après sa mise en service, le bunker abrite des sous-marins de la 12e flottille allemande. Elle arrive en octobre 1942 à Bordeaux, composée de 22 sous-marins d´attaque et de 21 sous-marins ravitailleur, les « vaches à lait ». La flottille opère dans l´Atlantique et dans l´océan Indien ou elle coule au total 104 navires alliés. Un de ce bateau, le « U 196 », effectue avec 225 jours en mer la plus longue traversée sans escale pendant toute la guerre.
Par les ravitailleurs, cette flottille est d´une grande importance car elle amène le carburant au front maritime sans que les sous-marins d´attaque doivent retourner dans les ports. Pour des plus grandes capacités, la marine allemande transforme plusieurs sous-marins d´attaque en « vache à lait ». Les travaux sont effectués par une entreprise allemande établie à Bordeaux, les chantiers navals BLOHM & VOSS.
Les chantiers navals BLOHM & VOSS d´Hambourg sont avec la DESCHIMAG AG à Brême le plus grand constructeur de sous-marins dans le III. Reich. Avec des nombreux docks et 1 000 ouvriers, l´entreprise est capable de construire 38 bateaux en même temps. À côté des navires, BLOHM & VOSS construit également des avions et devient au cours de la guerre un fournisseur important pour l´armée allemande.
À Bordeaux, la nouvelle base de sous-marins est d´abord dirigée par l´armée, ensuite, on cherche une entreprise privée pour les travaux de réparation et d´entretien. Fin 1942, la marine allemande négocie avec BLOHM & VOSS, déjà présent à La Pallice. En octobre, l´entreprise est chargée de la direction du chantier naval, et la marine cède ses installations gratuitement aux hambourgeois.
De plus, la marine à Bordeaux se charge de tous les besoins : BLOHM & VOSS reçoit une récompense de 60 000 francs par mois, les salaires, les impôts et les taxes à l´État français sont également payés par la marine. Pour chaque ouvrier, l´entreprise perçoit 1 200 francs par jour alors que les salaires perçus demeurent bien inférieurs. Par exemple, un contremaître allemand reçoit 240 francs, le reste, 960 francs, demeurent à la disposition de l´entreprise. On peut supposer que l´entreprise ait pu gagner beaucoup d´argent à Bordeaux.
Le temps de travail est fixé à dix heures par jour, mais il n´existe que sur le papier. Une note non daté d´un bureau allemand à Paris, responsable pour le chantier navals, révèle que « chez BLOHM & VOSS, un temps de travail de vingt heures par jour n´est pas rare (…). Les gens sont crevés et s´effondreront bientôt. » Afin de garantir à la marine une rapide réparation des sous-marins, l´entreprise ne connaît aucun limite.
En résultat, BLOHM & VOSS transforme pendant deux ans neuf sous-marins d´attaque en ravitailleur. De plus, l´entreprise se charge de l´entretien de tous les navires, et, en septembre 1943, elle est également responsable pour l´entretien de l´artillerie sur la côte. L´entreprise BLOHM & VOSS à Bordeaux évolue de ce fait en réparateur du mur en Aquitaine.
Les « Espagnols rouges » de l´OT
Après la victoire de Franco dans la guerre civile, l´Espagne connaît un exode des milliers de républicains et des « brigades internationales » vers la France. Les deux ans suivants, plus d´un demi-million d´hommes, femmes et enfants fuient devant le régime de Franco l´autre côté des Pyrénées.
Afin d´héberger les réfugiés, le gouvernement français crée dès le printemps 1939 des nombreux « camps d´accueil », entre autres à Vernet, Rivesaltes, Septfonds et Gurs. Dans cette centaine de camps, les conditions restent précaires, dépendant des autorités locales : les réfugiés souffrent de maladies et de sous-alimentation, les lazarets sont surpeuplés, dans le camp de Catus, ils se nourrissent même de l´herbe.
Avec l´occupation et la prise du pouvoir de Pétain, les réfugiés deviennent la victime d´une persécution, déportation et exploitation systématique par le régime de Vichy. En février 1941, Pétain rencontre le dictateur espagnol à Montpellier et échange une liste avec 800 personnalités espagnoles à arrêter. Par la suite, l´occupant et la police vichyssoise procèdent à des nombreuses arrestations, et le Président de la République de Catalogne est livré à Franco et exécuté en Espagne.
Cependant, la majorité des réfugiés espagnols demeure en France et serve comme main d´œuvre au régime afin de substituer les hommes français, prisonniers de guerre dans le Reich. Vichy modifie les camps d´accueil en un complexe système d´internement pour toute sorte d´ennemi du régime, comme des étrangers, communistes, francs-maçons, Juifs et Gitanes. [5] Les gens venus en France en fuite devant Hitler deviennent maintenant la victime de la politique antisémite et xénophobe de régime de Vichy.
Pour leur emploi dans l´économie, Vichy constitue en septembre 1940 des « groupements de travailleurs étrangers », les GTE. Environ trois cents groups avec des Espagnols, Juifs et Polonais sont mis à la disposition de l´économie française. Le ministère de l´Intérieure se charge de l´organisation et l´armée française garde les camps. Environ 70 000 Espagnols travaillent pendant quatre ans dans la zone non occupée dans l´agriculture, des mines et dans l´industrie pour le régime de Vichy.
À partir de 1941, Vichy met les GTE à la disposition de l´occupant. L´emploi des Espagnols pour la construction des bases sous-marines sur la façade atlantique est une initiative française : avec les réquisitions de la main d´œuvre française par l´occupant, Vichy propose les étrangers en espèrent d´épargner ses citoyens. Les Espagnols arrivent ainsi sur les chantiers de l´organisation Todt et doivent construire les blockhaus à Cherbourg, Lorient, La Rochelle, St. Nazaire et à Bordeaux.
L´organisation Todt sépare les Espagnols selon leur attitude politique en deux groupes : les sympathisants du régime de Franco sont employés dans le transport recevant un salaire et un bon traitement. Souvent, ils viennent volontairement à l´OT afin de fuir les camps. Quant aux républicains, anarchistes et communistes, les si nommés « Espagnols rouges », ils sont qualifiés travailleurs forcés et exploités gratuitement par l´OT.
En janvier 1943, Hitler se prononce en faveur du l´emploi des Espagnols dans l´OT, et il demande un bon traitement des Espagnols. Face à leur attitude politique contre le fascisme, il ajoute qu´un « bon traitement idéologique ne peut faire du mal. » Un « bon traitement idéologique » se traduit pour les troupes chargées de surveiller les Espagnols par une brutalité au quotidien : dans les Landes, un groupe d´Espagnols subit chaque matin une exécution fictive, ensuite, l´officier allemand avertit que chaque fuite sera punie par dix véritables exécutions.
De plus, OT crée ses propres camps de travailleurs, nombreux en Aquitaine. Près de la base sous-marine à Bordeaux, elle établit le camp « OT-Lindemann », ensuite, on établit trois autres dans les banlieues (Bouscat, Blanquefort et Floirac). Afin d’héberger les 3 000 ouvriers venus pour la fortification de l´estuaire de la Gironde, on crée quatre camps près de Soulac.
Début 1944, la station balnéaire de Soulac accueille aussi un camp pour réfractaire du STO. Une centaine d´hommes est envoyée dans le nouveau camp où ils dorment dans des baraquements en bois sur la terre battu, après une journée de travail de 12 heures. Le camp est surnommé « le paradis ».
Les travailleurs du camp « le paradis » viennent tous d´un camp d´internement français à Mérignac près de Bordeaux. Les prisonniers de ce camp servent à l´occupant également comme otages. Suite à un ordre d´Hitler, la Wehrmacht applique le si nommé « code d´otage », prévoyant une exécution de cent personnes pour un Allemand tué dans un attentat. Quand en octobre 1941 un officier allemand est tué à Bordeaux, la Wehrmacht choisit cent prisonniers du camp français à Mérignac, et le 24 octobre, la moitié d´eux est exécutée dans le camp allemand près de Souge.
Le camp à Souge sert ensuite jusqu´en août 1944 pour trente autres exécutions de masse : le 28 juillet 1942, on exécute 70, le 11 janvier 1944, 20 personnes. Les victimes sont des communistes, des Polonais, des Juifs et probablement des Espagnols. Au total, l´armée allemande exécute à Souge 330 personnes, dans la région de Bordeaux, 806 personnes trouvent la mort par le « code d´otage » d´Hitler.
Pendant un certain temps, le camp à Souge héberge selon un témoignage également des « Espagnols rouges », employés pour la construction de la base sous-marine à Bordeaux. Le camp est hautement surveillé par des commandos de l´OT, le transport vers le chantier est effectué par train. L´alimentation est sommaire, et les gardes manifestent une brutalité exemplaire : chaque matin, ils réveillent les prisonniers par des frappes sur les ventres. Dans les deux ans de leur séjour à Souge, 68 d´entre eux trouvent la mort dans des conditions jamais éclairées.
La forteresse « Gironde-sud »
Le mur de l´Atlantique sur les côtes aquitaines s´étend sur 260 kilomètres de l´estuaire de la Gironde par des longues plages sableuses des Landes jusqu´à la côte rocheuse en pays basque. Puisque la côte dispose que de quelques ports, et l´arrière-pays faisant barrage par des grands lacs et des forêts, elle n´est que peu fortifiée par l´armée allemande. Seuls les ports de Bayonne et de St. Jean-de-Luz, le bassin d´Arcachon et l´estuaire de la Gironde sont développés en « zone de défense ».
Au début de l´occupation, les travaux de fortification s´effectuent par des entreprises venues volontaires sur les chantiers ayant signées des contrats individuels avec l´OT ou l´armée allemande. Rien qu´à l´estuaire de la Gironde, une douzaine d´entreprises allemandes, françaises et belges s´installent à Soulac.
Mais pour le personnel, l´OT nécessite l´aide des autorités françaises par STO. Les maires, chargés de trouver des personnes à réquisitionnés, sont instruit par les préfets de s´adresser au familles nombreuses et d´indiquer les salaires élevés de l´OT. Des plus, les maires remboursent les frais de voyage.[2] Les ouvriers sont ainsi appâtés par les salaires – dans une période de guerre – pour un engagement chez l´OT.
Début 1944, dans certains communes, la population masculine entre 16 et 60 ans travaillent à 90 percent sur les chantiers du mur. Les équipes se recrutent parmi les locaux, par exemple à St. Jean-de-Luz, de cinquante Allemands travaillant pour l´OT, un seul reste sur le chantier avec 250 Français.La tache de l´OT se réduit à la direction, en Gironde, même la comptabilité est dans les mains des Français.
En août 1944, 15 000 personnes travaillent sur les chantiers du mur. Plus que la moitié sont des étrangers : 8 000 travailleurs forcés espagnols, mille prisonniers de guerre nord-africains, et un nombre inconnu des soldats sénégalais. L´autre moitié sont des Français : 2 000 en pays basque, 4 000 en Gironde et dans les Landes.Au total, l´OT emploie 35 000 et l´armée 15.000 personnes en Aquitaine, comptant les entreprises sous-traitantes, au moins 60 000 ouvriers et prisonniers sont employés en Aquitaine afin de construire des bunkers pour les soldats allemands.
Quant aux soldats allemands, ils sont surtout préoccupés par la surveillance des chantiers. Trois divisions d´infanterie avec des soldats âgés et mal équipés occupent les stations balnéaires, cinq groupes d´artillerie sont chargés de l´artillerie lourdes. Deux autres groups d´artillerie de réserve, équipés avec des chevaux, sont stationnés dans l´arrière-pays. Au total, les gardiens du mur en Aquitaine se chiffrent à environ 14 000 hommes. [7]
Le contact avec l´ennemi se limite pour les troupes allemandes au mur à des nombreux bombardements aériens. En avril 1942, les Alliées décident également un débarquement sur la côte basque, l´opération « Myrmidon », afin de détruire le port de Bayonne, en contact commercial avec l´Espagne.
Un commando anglais de 3.000 hommes tente le 2 avril de débarquer sur la plage près de Bayonne, mais les fortes vagues rendent un accotement impossible. En plus, les navires anglais sont découverts par la garde de côte allemande et se livrent une courte bataille d´artillerie nocturne sans pertes. Ensuite, opération est abandonnée, et les navires rentent en Angleterre. Cette « invasion miniature » demeure le seul accrochage entre Alliés et Allemands sur le mur en Aquitaine.
Au total, l´organisation Todt construit en Aquitaine une chaîne de positions militaires avec près de 700 blockhaus équipés de plus de 200 canons d´artillerie, en juin 1944, 129 blockhaus sont encore en construction. La structure du mur se compose de « points d´appuis », armés avec des canons lourds, et de « nids de résistance » avec des armes légers. La plupart des « points d´appuis » se trouvent sur la côte basque, seul les bords du large estuaire de la Gironde sont transformés en « forteresses » avec l´ordre personnel d´Hitler de les défendre « jusqu´à la dernier balle ».
Ainsi, on construit dans le Médoc la « forteresse Gironde-sud ». Les travaux débutent en août 1942. La direction de l´OT à Bordeaux installe une antenne dans un hôtel à Soulac, et deux cents hommes de l´OT prennent en main les chantiers rejoins par des entreprises allemandes, françaises et belges. En deux ans, l´OT construit avec 3 000 ouvriers dans la « forteresse » plus de cent « points d´appui » et de « nids de résistance » avec plus de cent d´armes d´artillerie.
La forteresse est conçue comme une petite ville. En tout, l´OT bâti 172 blockhaus reliés par un réseau téléphonique et par une station radio. Pour l´alimentation on entretient une boulangerie, un abattoir, une usine à pâte et deux fermes, entretenues par deux compagnies d´agriculture. Elle héberge également une salle d´opération, un parc automobile, une armurerie et un laboratoire afin de distiller de l´alcool.
Quand la Wehrmacht quitte la France en juin 1944, environ 4 000 hommes se retirent le 24 août dans la « forteresse Gironde-sud », et, après l´arrivée des Alliées en septembre 1944 à la frontière du Reich, les nombreuses forteresses isolées sur la côte atlantique restent des « poches » allemandes en France.
En printemps 1945, les troupes français de libération décident d´attaquer les « poches sur la façade maritime ». Le 18 avril 1945, les « forces françaises de l´intérieur » (FFI) commencent l´attaque sur la « forteresse Gironde-sud » : afin de briser la défense sévère des Allemands dans leur forteresse, l´aviation américaine soutient l´attaque par des bombardements avec du napalm. Après des sévères combats, les troupes françaises avancent vers le centre de la forteresse, et le 19 avril 1945, les derniers défendeurs allemands de la forteresse se rendent finalement aux Français.
Deux semaines avant la capitulation de l´Allemagne nazie en mai 1945, la « poche du Médoc » est pris d´assaut, et l´Aquitaine se libère de l´occupation allemande de sa propre main.
Bilan
L’étude de l’idéologie hitlérienne démontre qu’il conçoit – bien avant sa prise de pouvoir en 1933 – une politique d’extérieure pour conduire l’Allemagne dans des nouvelles guerres sur deux fronts. Cependant, après la « guerre d’éclair » à l’Ouest en 1940, sa stratégie militaire se révèle un échec : l´armée allemande ne parvient pas d’emporter une victoire sur l’Angleterre et d’écarter ainsi la menace d’un « deuxième front ». En conséquence, Hitler bouleverse fatalement sa stratégie et entame sa conquête du « terrain vital » en Union soviétique, malgré la menace à l’Ouest. Afin de maîtriser la menace, il construit la plus grande ligne de fortification de toute l’histoire de l’Europe, le « mur de Atlantique ».
Le dictateur allemand trouve dans l´ingénieur F. Todt un maître d’ouvrage qui réalise ses projets (les autoroutes, le « Westwall »), et qui conçoit un nouvel outil pour la coopération entre l’économie allemande et le IIIe Reich, son « organisation Todt ». Son successeur Albert Speer développe cette structure paramilitaire en un pilier pour l’économie de guerre : l’OT se transforme de côté du parti politique nazi NSDAP, de la SS et de la Wehrmacht en quatrième force pour le III. Reich garantissant l’exploitation économique des pays occupés. Le groupe d’intervention « OT-Ouest », peu étudié dans la littérature, introduit pour la première fois l´industrie du bâtiment dans la guerre et devient par la suite l’architecte de mur de l’Atlantique.
Cependant, seul le soutien matériel et humain de l´administration allemande dans les pays occupés permet à l´OT de construire le mur. Le régime allemand en France se caractérise par l’exploitation des finances et des ressources, par la collaboration de l’économie et par le travail forcé de la population. De l’argent public, versé par le régime de Vichy en tant que frais d’occupation, circule en France par des participations industrielles, des commandes allemandes et des achats noirs afin de parvenir sur des comptes privés. En fin compte, la société française a payé la facture pour le mur de l’Atlantique.
Avec l’introduction du S.T.O. par le régime de Vichy, les ouvriers français deviennent malgré eux un pilier du travail dans le Reich, le « Reichseinsatz ». En étroite coopération avec l’administration militaire, Vichy organise leur départ vers le Reich et leur exploitation en France. En fait, les ouvriers français fut ainsi malgré eux les bâtisseurs du mur de l’Atlantique. Quant aux patrons, dès le début de l’occupation, ils cherchent à défendre ses intérêts, et l´économie prend le rôle d´un « établie prolongée » du III. Reich : les industriels français du bâtiment deviennent ainsi les profiteurs du mur de l’Atlantique. Un demi-siècle après la guerre, l’étude de la collaboration économique en France n’est qu´à son début.
Quant à la « forteresse Europe », en ce qui concerne sa structure, son armement et sa tactique, elle se révèle en gigantesque gaspillage humain et matériel. Dans une guerre de mouvement et de technologie menée par les Alliées, Hitler reprend le concept d’une ligne de fortification, déjà démontré inefficace par la « ligne Maginot », et son choix reste en fin compte une relique de son expérience des tranchées de la Première guerre mondiale. En juin 1944, la totalité du potentiel militaire du monde occidental se retrouve face au mur d’Hitler, et le soi-disant « huitième merveille à l’Atlantique » ne représente un véritable obstacle.
De plus, l’armement improvisé du mur demeure inapproprié pour la défense contre des navires de guerre ; après la nomination d’un deuxième commandant, la tactique est dominée par la « controverse de blindés », et la concentration allemande sur des points stratégiques – les rivières et les ports – mène les Alliées simplement à débarquer sur une zone côtière ouverte et mal protégée, la Normandie. En fin compte, le mur de l’Atlantique reste le plus grand trompe-l’œil de la Seconde guerre mondiale.
Quant à la région d´Aquitaine, elle devient un avant-poste stratégique du III. Reich. Au début de la guerre, sa zone frontalière avec l’Espagne accueille les troupes allemandes pour une éventuelle occupation de la péninsule ibérique, et ses liens avec l´Espagne provoquent une « invasion miniature » en pays basque. Pour des milliers de juifs, les Pyrénées demeurent la dernière sortie de l’Europe d’Hitler devant l’extermination systématique, et les forêts de Landes se transforment en abris pour un noyau dur de la résistance en France.
En ce qui concerne la ville de Bordeaux, elle fut le lieu de naissance de l’armistice franco-allemand et un centre régional de la collaboration politique et économique. Seulement après une longue carrière dans la politique nationale, l’ancien préfet de police de Bordeaux Maurice Papon a du se justifier en 1998 devant la loi et a été condamné à dix ans de prison pour « crime contre l’humanité ». Depuis, le Président de la République a rejeté les deux demandes de grâce de l’octogénaire : en quelque sorte, un vieillard reste le bouc-émissaire de toute une nation pour les « années noires ».
Le port de la ville, le plus au sud-ouest en Europe d’Hitler, devient par le commerce des « forceurs de blocus » avec le Japon peut-être un de plus important du III. Reich. Sa destruction est déjouée par un l’acte extraordinaire de la résistance allemande : l’ancien officier Heinz Stahlschmidt mérite une place d’honneur dans la mémoire collective de la résistance en France, et il fallait un demi-siècle pour que l’État français a rendu hommage à cet homme – désormais citoyen français – et à son acte héroïque en lui armant « chevalier de la Légion d’honneur ».
L´étude a également démontré que la guerre sur le continent européen prenait son tournant déjà avec le prologue de l’invasion, la « bataille de l’Atlantique ». L’avance technologique des alliées et la prise d’un déchiffreur allemand transforment les sous-marins allemands pour la plupart des équipages en un « cercueil d’acier ». Quant aux bunkers construits pour leur protection, ils deviennent les cellules germinales pour la construction du mur de l’Atlantique.
Cependant, la construction d´un bunker à Bordeaux engendre également la mort de la population civile par des bombardements alliés, l’exploitation sans scrupules des réfugiées espagnoles et la hâte aux profits par des entreprises comme les chantiers navals de BLOHM & VOSS. Quant au bâtiment lui-même, ce gigantesque bloc de béton indestructible à Bordeaux demeurera un triste monument des victimes civiles et de la folie de grandeurs national-socialiste pour les générations futures.
Quant aux bâtisseurs du bunker à Bordeaux, les « Espagnols rouges », subissent de trois manières l’asservissement du fascisme en Europe : Le régime de Franco les force dans l’exile, le régime de Vichy les enferme dans des camps et le régime d’Hitler les exploite pour l’économie de guerre. Ces réfugiées, dont le destin en tant que travailleurs forcés pour Vichy et pour l´occupant dans les GTE reste peu étudié, étaient les « esclaves du mur de l’Atlantique ».
Leur camp à Souge près de Bordeaux, synonyme de la méprise nazie de l’espèce humaine et du meurtre systématique, reste un symbole de la terreur allemande en Aquitaine. Seul après un procès devant un tribunal allemand à Cologne dans les années soixante, quelques Espagnols reconnus ayant fait partie de l’organisation Todt à Bordeaux ont obtenu le statut de travailleur forcé. Depuis, ils reçoivent une modeste indemnisation mensuelle de l’état allemand.[2]
En Aquitaine – comme sur toute la façade atlantique – des milliers de personnes de toutes nationalités ont été employées par Hitler sur les plages, soit pour construire les bunkers, soit pour les surveiller. Pour la population locale, les chantiers de l’OT représentaient un « gain-pain » en période de guerre et un refuge devant le travail forcé dans le Reich ; pour les Espagnols et les prisonniers africains, ils se révélaient en lieu d’exploitation et de sévices.
Pour les soldats allemands, la surveillance de la côte aquitaine demeurait une tache plutôt contemplative, par rapport aux combats au front à l’Est. Seul les « forteresses » ont été sévèrement et vainement défendues : les derniers gardiens du mur de l’Atlantique en France se retiraient dans leurs bunkers et se rendaient seulement deux jours avant la capitulation allemande le 10 mai 1945, c’est-à-dire après environ un an d’isolement. Quant à la « forteresse Gironde-sud », elle reste en deux manières un symbole : d’une part, pour le combat aberrant du III. Reich « jusqu’au dernier homme » ; de l’autre, pour la libération définitive de la France par sa propre force.
Au total, l’étude démontre que le mur de l’Atlantique n´est guère un sujet suscitant seulement l’intérêt des quelques passionnés de l´architecture militaire, mais qu’il touche deux thèmes importants de l’histoire économique et sociale de la Seconde guerre mondiale : la collaboration des pays occupés et les diverses formes du travail forcé dans l’organisation Todt. Sans ces deux aspects, la construction du mur n’aurait pas eu lieu. Le traitement en « parent pauvre » de l’organisation Todt dans la recherche historique demeure incompréhensible, face à son importance structurelle pour le III. Reich ; et le deuxième aspect, l’emploi allemand et français des Espagnols et des Juifs en France occupée est jusqu’à présent un desideratum dans la recherche historique les deux rives du Rhin.
Ajoutant à la fin que ce travail a rencontré des nombreuses difficultés et réticences. Les problèmes d’accès à certains dossiers sont peut-être révélateurs pour la manière dont la France traite les « années noires » : malgré une discussion explicative avec la direction, quelques documents d’archives restaient inaccessibles, dans certaines archives, le camp des « Espagnols rouges » à Souge reste inconnu : il paraît que la fixation sur la mémoire de la résistance superpose une mémoire de la collaboration avec l’ennemi. En fin compte, il convient de constater que le refoulement collectif d’un passé peu glorieux, appelé par H. Rousso le « syndrome de Vichy », a en fin compte fixé les limites de cette recherche.
Néanmoins, un demi-siècle après la Seconde guerre mondiale, les blockhaus du mur de l’Atlantique nous renvoient toujours vers ce passé. Le siècle suivant, les bunkers seront les dernières traces visibles d’un régime de terreur allemand en Europe, responsable pour la mort des millions d’hommes et femmes à cause de leur origine nationale, leur attitude politique, leur engagement militaire ou leur croyance religieuse. Espérant qu’un jour, ces ruines en béton sur nos plages seront aussi un « lieu de mémoire » pour les maîtres d’ouvrage et les travailleurs forcés au service d´un dictateur qui a laissé une trace sanglante dans l´histoire de l´Europe. Du moins, le mur de l’Atlantique aurait pour la première fois un vrai sens.
Bibliographie
Le texte est un compte rendu d´une mémoire de maîtrise en histoire contemporaine présentée en décembre 2000 à l´université de Brême (Allemagne)
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